De génération en génération, en cette ferme se conte et se raconte l’histoire de deux sœurs. Jumelles ou pas, personne ne s’en souvient plus très bien. Il semblerait qu’elles avaient quelques mois de différence, juste le temps nécessaire pour qu’un enfant succède à un autre enfant. Ainsi allait les jours de femmes dans les logis d’autrefois. La mère chez sa belle-mère dans l’exploitation du beau-père où travaillait le père...
Nourrir la maisonnée, l’entretenir, offrir une descendance, la basse-cour en héritage, sans autre perspective que le changement de rythme avec celui des saisons.
Les deux sœurs, seules filles parmi une demi-douzaine de garçons, étaient inséparables. Les confondant toujours et mélangeant leur prénom, les gens d’ici parlaient d’elles comme les oiselles.
Les oiselles, deux pipelettes sautillantes qui couraient la campagne, sans se soucier, ni des travaux ménagers, ni des rires des garçons espiègles les poursuivant de leurs balourdises...
Les oiselles, deux voix chantantes qui résonnaient à la ferme, à l’écurie, dans les granges, sans que personne ne sache jamais où elles iraient fouiner...
Les oiselles, les deux premières qui refusèrent le mariage, la belle-mère, les bambins et les corvées... Les garçons se détournèrent des travaux agricoles, allant chercher en ville un autre avenir. La place étant libre, elles devinrent maîtresses à bord, entretenant, cuisinant, randonnant à pieds ou à cheval... Pionnières du tourisme à la campagne, elles aménagèrent les lieux, avec succès, en gîte d’étape.
Les années passant, oiselles elles furent, oiselles, elles restèrent, seul leur surnom évolua en Damoiselles. Toute leur vie, indissociables, sous le même toit, ici elles naquirent, ici elles moururent.
De nos jours, il se dit, au village, qu’en cette ferme-là les Damoiselles rodent et furètent toujours... Personne n’y croit, mais tout de même... Les gens qui y vivent racontent, à qui veut bien s’y fier, que, la nuit, elles font régulièrement l’inventaire des lieux. Oui, Ils en sont persuadés, et moi-même je les ai vues, silhouettes diaphanes, un matin de grand froid, derrière une vitre du rez-de-chaussée... Une simple preuve photographique et la légende Damoiselles rebondit. Les langues n’ont pas fini de conter...
oiselles fantômes
en la ferme d’autrefois –
les vitres témoignent
ABC