
L’enfant, solitaire, tenait toujours un bâton dans la main. Jamais il ne se mélangeait avec les autres enfants. Le gardien du square le regardait, chaque jour arriver, à 17h, avec un vieux monsieur qui s’asseyait sur un banc et lisait son journal. L’enfant s’asseyait un peu plus loin, sur un autre banc. La tête baissée, balançant ses jambes en cadence, il regardait obstinément par terre, griffonnant quelques figures géométriques du bout de son bâton. Quand 18h sonnait au clocher de l’église, le vieux monsieur repliait son journal, il faisait un signe au bambin, et tous les deux repartaient, main dans la main, sans échanger une seule parole.
Un jour, intrigué, le gardien s’approcha de l’enfant, toussa pour lui signaler sa présence. L’enfant leva la tête, puis la rabaissa aussitôt. Le gardien lui dit :
- Pourquoi restes-tu seul ?
L’enfant ne répondit pas, alors l’homme insista :
- Il y a pourtant le toboggan, les balançoires, le tas de sable, tu pourrais jouer avec les autres enfants.
L’enfant, toujours muet, secoua négativement la tête.
Le gardien n’insista pas, et repris sa tournée d’inspection dans le jardin communal.
Le lendemain, il revint près de l’enfant, et lui dit :
- Que fais-tu avec ton bâton ?
Alors, avec son air le plus sérieux l’enfant répondit :
- J’écris mon journal, pendant que grand-père lit le sien.
- Ton journal ? S’exclama le gardien
- Oui dit l’enfant, mon journal, c’est important d’avoir un journal.
- C’est vrai, sourit le gardien, en jetant un œil vers le vieil homme.
L’enfant ajouta, d’un air rêveur :
- Je l’écris pour les oiseaux, les oiseaux emportent mes mots dans les nuages, les nuages les emportent à l’autre bout de la terre.
- À l’autre bout de la terre, s’étonna le gardien.
- Oui, répliqua l’enfant, à l’autre bout de la terre, c’est là qu’est parti mon ami.
- Ah bon, dit le gardien en se grattant la tête.
- Mon ami, reprit l’enfant, voit mes mots dans les nuages.
- Est-ce qu’il te répond ? Demanda le gardien.
- Il me répondra, soupira l’enfant, il me répondra.
Il se tut. Il semblait préoccupé. Son silence dura pendant quelques instants, puis il ajouta :
- Il me répondra quand il saura lire.
Le gardien lui caressa les cheveux et s’éloigna lentement, laissant l’enfant écrire son journal pour les oiseaux.
ABC
(demain," j'écris dans mon journal")
Participation de :
Jill Bill
Colette
Merci aux autres participants éventuels de se manifester en commentaire que je rajoute leur lien
ABC