Curieuse rencontre :
Publié le 10 Novembre 2014
Je me suis toujours demandée comment ils s’étaient rencontrés ? J’ai toujours cru qu’ils étaient mal associés et pourtant………. Me suis-je toujours trompée ?
Lui avançait dans la vie, solitaire, aimant se taire. Autodidacte, il parlait quatre langues et lisait passionnément les livres en version originale. Sans voiture, sans monture, il marchait, les yeux ouverts et les oreilles aux aguets avec une éternelle paire de jumelles à son cou. Ses poches étaient percées au propre comme au figuré, il n’avait pas de clef, pas de bagages mais la tête dans les nuages, l’esprit souvent en voyage. Il cheminait posément, vivait de l’air du temps, il était vol au vent…… « Vol au vent » souriait-elle en fredonnant, vol au vent et bon amant…… Mais au fond que sait-on vraiment des gens ?
Elle était décidée, appliquée et organisée. Elle faisait tourner la maisonnée, c’est elle qui avait les clefs dans son sac avec les sous et les papiers… Dans ses poches juste un mouchoir, un mouchoir en papier, un mouchoir à jeter… Elle avait beaucoup étudié, en dehors de sa langue ne parlait que l’anglais d’un air très satisfait, mais connaissait l’histoire et la géographie de nombreux pays… C’est elle qui conduisait et cela lui plaisait… C’était une rapide, oui rapide, trop rapide parfois. Comment pouvait-il la suivre à ce rythme-là, dans ses débats et ses ébats ?... Mais au fond que sait-on des gens que l’on croise ici-bas ?
Leur maison, une chaumière, au bord de la mer, dans laquelle rentraient de nombreux courants d’air, mais aussi, au fil du temps, quelques passants qui le trouvait assis dans un fauteuil défoncé qui lui était réservé. Elle était bien souvent devant une petite table servant de bureau, là elle répondait au courrier ou réglait quelques papiers, à peine posée prête à s’en aller,… À part le whisky du dimanche et la sortie du vendredi pour rencontrer une vieille amie avec qui ils jouaient au rami, je ne leur connaissais pas de manies… Mais au fond que sait-on des gens que l’on ne voit pas souvent ?
Je me suis toujours demandée comment ils s’étaient rencontrés ? Pourquoi s’étaient-ils associés ?
J’ai cru comprendre que cela s’était passé un été sur un chemin côtier où toute la journée, elle avait pédalé sur son V.T.T., pour finir par dérailler. Il était alors apparu, ses jumelles autour du cou, se promenant nonchalamment au gré du vent en sifflotant. Sans rien dire il l’avait aidée la regardant en souriant d’un œil compatissant… Elle était jeune et pressée, il était complaisant et prenait son temps…
D’année en année, tous les étés, ils se sont retrouvés, ont fini par se marier…
Il me serait difficile d’en dire plus car que sait-on des gens qui ne se livrent pas vraiment ?
À regarder leurs yeux, ils étaient amoureux, jeunes comme vieux… Discrets, voire secrets, côte à côte dans la vie, ils avançaient…
Je les croisais, une fausse banalité, un carrefour obligé, une certaine familiarité, bien forcés de se rencontrer quand on est de la même lignée.
ABC
Reprise d'un texte publié dans mon livre "Pêle-mêle"
pour le thème de la semaine des Impromptus littéraires